Nouveau monde ou continent englouti :
le répertoire de l’alto
I. Une question controversée.
Une légende tenace veut que l’alto n’ait PAS de répertoire.
L’utilité sociale des altistes, comparable à celle des blondes, consisterait à servir de cible aux blagues de l’orchestre, avec autant de flegme que de philanthropie. Quelques altistes harmonieusement disposés permettent aussi de garnir l’intervalle entre les violons et les violoncelles, ce qui agrée à l’œil du public et respecte une immémoriale tradition.
Certains esprits avancés conviennent cependant que la voix de l’alto est irremplaçable dans les formations de musique de chambre, position radicale qui s’avère, à l’examen, parfaitement fondée.
II. Chefs-d’œuvre baroques et classiques.
Une investigation plus approfondie et impartiale met au jour un certain nombre de chefs-d’œuvre destinés à l’alto, chefs-d’œuvre occultés par l’histoire des vainqueurs (les violonistes, en l’occurrence).
Les premiers concertos pour alto datent de l’époque baroque. Les deux grands maîtres allemands du début du XVIIIe siècle ont rendu hommage à cet instrument par des œuvres qui ont fait date. Ainsi, Georg Philipp Telemann a composé le célèbre Concerto en sol TWV 51, ainsi que le Concerto TWV 52 pour deux altos. Jean-Sébastien Bach a consacré à l’alto le Concerto Brandebourgeois n°6 BWV 1051.
Les compositeurs classiques ont suivi cette dynamique, et ont donné à l’alto une importance musicale accrue. Les frères Stamitz (Carl et Anton) et Franz Anton Hoffmeister composent des concertos de grande envergure pour l’alto, tout comme Mozart. Celui-ci, l’un des meilleurs violonistes de son temps, appréciait particulièrement la fonction d’altiste lorsqu’il jouait en quatuor. À cette position-clé, il entendait parfaitement l’ensemble des voix.
Ces œuvres constituent une part essentielle de notre patrimoine musical.
III. Romantisme et modernités.
La révolution romantique amène la promotion de formes musicales nouvelles et la réévaluation de genres jusque-là considérés comme mineurs. Compositeur, écrivain et critique, Berlioz milite pour la promotion de l’alto (et d’instruments alors nouveaux comme le saxophone ou la harpe, qu’il emploie dans sa Symphonie fantastique dès 1830) ; son Traité d’instrumentation et d’orchestration (1844) en témoigne.
Durant cette période novatrice et créative, le répertoire pour alto s’enrichit considérablement. Sonates et pièces de musique de chambre se multiplient, révélant au grand public toutes les potentialités musicales de l’instrument. On peut citer, à titre d’exemples, lesMarchenbilder op.113 de Robert Schumann, les deux Sonates d’Henri Vieuxtemps, la Sonate pour alto de Mikhail Glinka, ou encore celle de Rubinstein.
Les compositeurs de la période romantique donnent également une place de concertiste à l’alto, avec Harold en Italie d’Hector Berlioz, et la Sonata per Grand’Violae orchestra de Niccolo Paganini – lequel a voulu mettre son extraordinaire célébrité de soliste au service de l’alto.
Enfin, certains artistes arrangent leurs propres compositions pour alto et piano. C’est le cas du Notturno en ré majeur de Ludwig van Beethoven, composé à l’origine pour trio à cordes (op.8), et des deux sonates op.120 de Johann Brahms, écrites dans un premier temps pour la clarinette. Toutes ces adaptations témoignent d’un réel engouement pour le timbre si particulier (et envoûtant) de l’alto.
Le XX° siècle est marqué par un développement et un renouvellement considérables du répertoire consacré à l’alto, avec une production importante de concertos destinés à cet instrument.
Max Bruch, Paul Hindemith, Darius Milhaud, WilliamWalton, Bela Bartok ont ainsi composé des œuvres marquantes pour alto. Dans la deuxième moitié du XX° siècle, Chemin II de Luciano Berio, Prologue de Gérard Grisey et Points d’Aube de Betsy Jolas imposent l’alto comme un instrument de tout premier plan.
La physiologie de l’alto
Téléchargez ici le PDF explicatif pour en apprendre davantage sur la physiologie de l’instrument.